Daniel Toudic, le Directeur du CFTTR de l’Université de Rennes 2 m’a fait l’amitié de m’inviter à donner une conférence aux étudiants de LEA en octobre dernier. Le sujet ? Vingt ans de traduction. Je reproduis plus bas le texte de cette conférence, très inspiré de mon expérience professionnelle.
Rennes, octobre 2013
Je suis très heureux de venir vous voir aujourd’hui pour vous parler de mon métier. Tout d’abord, je considère que c’est une marque d’amitié de la part de Daniel Toudic de m’inviter à vous donner cette conférence, et ça me fait très plaisir. En plus, ça tombe à pic, puisque cela fait ce mois-ci exactement 20 ans que je travaille dans la traduction. Un anniversaire comme ça, 20 ans de métier, ça pousse à s’interroger, à rentrer en soi-même pour se demander: finalement, pourquoi je fais ce métier là, qu’est-ce qui me pousse, qu’est-ce que c’est, finalement, mon métier ?
Et c’est vrai que je peux me poser cette question, puisque j’exerce ou j’ai exercé les métiers de journaliste, auteur, éditeur, rédacteur en chef, traducteur, réviseur, réviseur technique, maquettiste, chef de projets, consultant, chef d’entreprise, enseignant et même psychothérapeute !
Tous ces métiers sont des métiers tournés vers les autres. La traduction, c’est relier les être humains entre eux, abolir les barrières. L’enseignement, ça consiste à faire passer le savoir aux générations suivantes. Le journalisme, c’est informer les autres. Créer et diriger une entreprise, c’est fédérer les efforts des autres pour construire une entité qui nous dépasse. La psychothérapie, ça consiste à libérer les autres des liens qui les étouffent pour les amener à redevenir eux-mêmes. Tout ça, c’est de l’humain, c’est du lien, c’est de la vie. On pourrait dire de chacun de ces métiers qu’il est le plus beau métier du monde.
Quand j’ai commencé à traduire des livres, des manuels et des communiqués de presse d’entreprises informatiques, je considérais que mon point fort était de formuler avec clarté et style des informations techniquement justes. C’est-à-dire que j’abordais la traduction du double point de vue de l’expression écrite et de l’expertise technique, mais pas du tout du point de vue du transfert. Autrement dit, je fais partie des spécialistes qui traduisent, pas des traducteurs qui se spécialisent. Après 20 ans d’exercice et de collaboration avec 2 ou 300 traducteurs, issus de toutes les formations, ça continue d’être ma façon de voir ce drôle de métier. Je continue de penser qu’il faut savoir de quoi on on parle, qu’il faut connaître son sujet.
Surtout, il faut savoir écrire, rédiger, c’est la clef de tout. Quand on sait vraiment rédiger dans sa langue maternelle, alors on peut analyser la structure d’une phrase dans sa langue de travail et comprendre intimement ce que l’auteur veut exprimer. Après, c’est facile de l’exprimer à son tour, même s’il faut rendre de multiples nuances. L’écriture structure la pensée. Une pensée structurée permet l’analyse. l’analyse, associée au savoir technique, permet la compréhension juste. la compréhension juste conditionne l’expression juste. Et la boucle est bouclée, le message est passé d’une langue dans une autre.
J’étais un littéraire, passionné de lecture et d’écriture. J’étais en hypokhâgne quand je me suis intéressé à l’informatique, dont je ne savais rien, parce que je voulais créer une base de données pour que ma famille puisse savoir où étaient rangés nos livres. Comme ça, ils arrêteraient de me le demander. J’ai travaillé l’été comme gardien pour acheter un ordinateur, un Amstrad PC1512 avec deux lecteurs de disquettes souples et j’ai lu le manuel. Je n’ai rien compris. Je me suis obstiné. J’ai découvert qu’il existait des journaux d’informatique, j’en ai acheté. Je n’ai pas tellement plus compris. Mais j’ai progressé. J’ai acheté des livres. J’ai découvert des domaines que j’ignorais complètement, comme la programmation, les langages informatiques, les systèmes d’exploitation, les bases de données.
Au début, tout était mélangé dans mon esprit, mais j’ai compris petit à petit que j’aimais écrire des programmes informatiques en essayant différent langages de programmation et les comparer. Vous remarquerez que ce n’est pas très éloigné de la traduction. J’ai aussi compris qu’il fallait beaucoup travailler pour acquérir des compétences réelles en programmation, quel que soit le langage informatique utilisé. Je me suis formé avec des livres, et il m’est arrivé une chose étrange : je tapais les programmes d’exemple qui étaient fournis, je vérifiais que tout était bien là, que je n’avais rien oublié et pourtant ils ne fonctionnaient pas ! Quand on est en train d’apprendre une matière, c’est vraiment difficile de croire que le manuel contient des erreurs. Mais il fallait se rendre à l’évidence, c’était faux. Alors j’ai regardé d’où venaient ces livres et je me suis aperçu qu’il s’agissait presque toujours de traductions de livres américains. Je me suis procuré ces livres américains. J’ai tapé les programmes sans comprendre le texte autour, et ça marchait !
En même temps, je me disais que si je voulais vraiment comprendre les questions d’informatique, ce serait plus simple et plus rapide si on me demandait de le faire dans un délai donné pour l’expliquer à d’autres. Et la meilleure manière de faire ça, c’était soit de faire de la formation, soit de devenir journaliste. Comme j’aimais écrire, j’ai donné la préférence à la presse. Alors j’ai contacté le meilleur journal d’informatique de l’époque, je leur ai dit que je détenais la toute dernière version du langage Turbo Pascal et que je pouvais écrire un article dessus. Ils ont accepté. C’est ce qui est incroyable quand on se lance dans la vie avec un projet, tout se met à fonctionner dans votre sens. Le rédacteur en chef de SVM m’a reçu, il m’a expliqué ce qu’il voulait et ce qu’il ne voulait surtout pas. Il m’a commandé un papier, et j’ai eu un délai pour me former à toute vitesse au langage Pascal, pour pouvoir écrire un article. J’ai bossé comme un fou et j’ai fait des progrès gigantesques en compréhension de la programmation en Turbo Pascal. J’avais 23 ans à l’époque : je foirais mon année de Licence de Lettres modernes à la Sorbonne, mais j’étais publié dans un journal connu. Je peux vous dire que j’étais content ! De là, j’ai enchaîné les articles, en allant voir un autre journal dès que mon article est paru, pour avoir d’autres commandes. Et j’ai continué d’approfondir ma connaissance de l’informatique.
J’ai poursuivi mes recherches. Je me suis intéressé au fonctionnement interne des PC : j’ai lu en détail les programmes stockés dans l’ordinateur, qui lui permettent de démarrer avant de charger le système d’exploitation. J’ai lu les plans des microprocesseurs. Je me suis intéressé, un peu, à l’électronique, j’ai appris à programmer en langage Assembleur, j’ai désossé le système d’exploitation, j’ai développé des outils qui agissaient à la place du système, qui pouvaient par exemple récupérer un fichier effacé. Je programmais en Pascal et en Assembleur.
J’ai demandé à plusieurs journaux de me confier la rubrique Livres, ce qui m’a permis de recevoir tous les livres nouveaux, et d’être en relation avec les éditeurs. Un jour, j’en ai appelé un pour râler au sujet de la mauvaise qualité de son ouvrage. Vous l’avez compris, j’étais assez sensible au fonctionnement des programmes d’exemple dans les livres d’informatique. Comme j’étais journaliste, il m’a reçu. Et tout ça a mené à une nouvelle collaboration. J’étais chargé d’écrire un livre sur la programmation au niveau du système. Ce projet-là m’a aussi permis d’apprendre beaucoup de choses sur la programmation, et de m’améliorer vraiment. J’en ai profité pour traduire quelques ouvrages, et même pour diriger une collection d’ouvrages informatiques, c’est-à-dire trouver les sujets, les auteurs, superviser leur travail de rédaction, etc. Pendant tout ce temps, je travaillais aussi comme journaliste. J’étais en apprentissage dans un mensuel, et je poursuivais une formation de journalisme sur deux ans, avec des cours de 18h à 22h toutes les semaines, et une série de stages de cinq jours. Autrement dit, j’apprenais mon métier en même temps que je le pratiquais.
Et la traduction, dans tout ça ? J’avais été contacté par des entreprises pour les aider à rédiger des journaux internes. Microsoft, notamment, m’a proposé de rédiger entièrement L’édition de liens, un magazine trimestriel qui était envoyé aux développeurs et présentait des techniques de programmation assez complexes. Pour rédiger les articles, je devais prendre mes informations auprès des chefs de produit, qui me donnaient de la documentation qui provenait en général de la maison mère, aux États-Unis. Dans certains cas, il fallait rédiger des textes en synthétisant plusieurs documents, dans d’autres il fallait traduire directement.
D’un côté, j’adorais écrire pour des journaux. D’un autre, je n’étais jamais entièrement sûr d’être payé. Un article pouvait être commandé, et finalement remplacé par un autre au moment de la publication. Or, seuls les articles publiés étaient payés. La solution aurait été de faire comme d’autres pigistes : passer ses journées à hanter les couloirs des magazines, écrire ses articles sur place, discuter avec les journalistes permanents autour d’un café, se faire confier d’autres articles, etc. Mais ça ne me plaisait pas, je préférais travailler chez moi, j’étais un peu sauvage. En outre, je me suis vraiment braqué quand on a voulu influencer ce que j’écrivais. Je trouvais normal que les entreprises défendent leurs produits, mais vraiment anormal que les articles des journaux soient influencés par les entreprises en question. À tout prendre, je préférais écrire dans les journaux d’entreprise, parce qu’on ne trompait pas le lecteur : il était au courant qu’il lisait des textes publicitaires.
En plus, j’étais obligé de changer de statut juridique, car la plus grande partie de mes revenus ne provenait plus de la presse, et je n’avais donc plus le droit d’être salarié. Je me suis installé comme indépendant, sans vraiment savoir ce que cela signifiait. Comme je devais le faire, j’ai décidé de donner un nom à ma structure. Je m’étais dit « si je représente une entité, comme une société, alors cette entité agit en son nom propre, et elle porte un nom ». Le diagnostic n’était pas faux, mais il comportait quand même des erreurs : quand on est connu en tant que personne, il faut exploiter cette petite notoriété personnelle, car les gens préfèrent avoir affaire à un individu qu’à une structure anonyme. Et d’autre part, j’ai choisi un nom que personne ne comprenait, sauf les journalistes, qui n’étaient pourtant pas mes clients. Ma structure s’appelait « en couv’! », qui signifie « en couverture ». Mon intention de départ était de fournir des services de rédaction de journaux aux entreprises, et d’arrêter la presse.
J’avais 27 ans quand j’ai créé cette structure, en octobre 1993, il y a tout juste 20 ans.
Bien sûr, il y a d’abord eu une période de transition, assez courte d’ailleurs, où je continuais d’écrire dans les journaux tout en démarrant ce que je considérais comme ma nouvelle activité. Logiquement, on m’a d’abord demandé de traduire des communiqués de presse. Je me souviens encore très bien de la toute première traduction qui m’a été commandée : c’était un dossier de presse comportant trois communiqués différents, sur une technologie toute nouvelle de fabrication de disques durs. J’ai terminé à 23h45 le job qui m’avait été confié à 14h, j’avais trouvé ça très dur à traduire, mais j’étais fier de moi.
Les communiqués de presse techniques constituent une excellente école de traduction parce qu’ils imposent un travail de formulation approfondi, assorti à un travail de compréhension juste des techniques présentées qui sont, par définition, nouvelles. C’est très difficile à bien faire, mais on y gagne énormément en habileté rédactionnelle. Même si on peut parfois se trouver dans une situation sans issue. Je me souviens d’une phrase américaine dans laquelle il était impossible de déterminer si on évoquait une carte mère pourvue de deux circuits imprimés comportant chacun un microprocesseur distinct ou s’il s’agissait d’une carte mère pourvue d’un circuit imprimé comportant deux microprocesseurs. Les deux solutions étant techniquement possibles, il n’y avait aucun moyen de trancher ce que signifiait vraiment cette phrase si mal rédigée. Malheureusement, dans bien des cas, la langue française est plus précise que la langue américaine…
A cette époque, je poursuivais mes travaux de rédaction de journaux d’entreprise, pour Microsoft, pour Borland, pour Saari. Cela m’amenait à me rendre chez mes clients, et à rencontrer d’autres personnes que celles avec qui j’avais rendez-vous, ce qui permettait de développer d’autres collaborations, et en particulier d’obtenir des travaux de traduction. Je me souviens d’une journée, où j’étais passé chez Microsoft pour rencontrer la personne en charge des éditions de livres et établir le sommaire du prochain numéro du journal que je rédigeais. La personne en charge de la presse d’entreprise m’a confié un autre journal. Celle en charge des éditions m’a demandé de traduire un livre et de résumer un manuel. Et j’ai rencontré la personne en charge des supports de formation, qui m’a demandé d’en traduire un.
Au début, on m’a confié la traduction d’un support de cours, puis on m’en a envoyé trois à traduire dans un délai assez serré, puis on m’en a envoyé neuf d’un coup ! Je ne pouvais plus traduire tout seul, il me fallait de l’aide. Heureusement, j’avais rencontré par hasard, à la cantine de Microsoft, un homme qui était à la recherche de travaux d’écriture ou de traduction. J’ai décidé de lui faire confiance. Il traduisait et je vérifiais que les situations décrites dans le support de formation fonctionnaient de la façon indiquée quand on utilisait les logiciels. Chaque terme d’interface était contrôlé en contexte, car chaque manipulation était reproduite étape par étape. Ça prenait un temps fou, mais c’était la seule façon de remettre un texte dont le contenu soit exact sur le plan technique. Cela nous a amenés à prendre des décisions difficiles. Doit-on utiliser le terme français que l’on trouve dans l’aide en ligne du logiciel quand ce terme est mauvais ? (par exemple ‘Tableau de serveurs’ pour ‘Servers array’, alors que le terme consacré est ‘Matrice de serveurs’). Doit-on remanier le texte quand les étapes décrites dans le texte américain sont justes en environnement US mais fausses en environnement français ? Que faire lorsqu’une fonctionnalité entière d’un logiciel est absente de la version locale, alors qu’un chapitre entier du support de formation lui est consacré ? Et, corolaire, sera-t-on payés pour ces mots si on ne les traduit pas, alors même que le produit final serait faux si on les traduisait ? Là encore, ce qui me guidait, c’était l’expression correcte d’informations techniquement justes.
Assez vite, j’ai confié du travail à une quinzaine de traducteurs indépendants, qui sortaient de l’ISIT, de Paris 7, de Rennes 2. Il y a des choses qui ne changent jamais. J’ai recruté ma première salariée, qui était titulaire d’une maîtrise de Traduction spécialisée de l’Université de Rennes 2, et qui avait fait six mois de stage chez HP à Grenoble avant de venir s’installer à Paris pour trouver du travail. Je l’ai formée à la traduction de communiqués de presse, je lui ai fait suivre la même formation de journaliste que moi, et je me suis concentré sur la traduction des supports de formation, et la rédaction des journaux d’entreprise.
Les choses se sont compliquées pour ma société lorsque la localisation des supports de formation de Microsoft a été confiée à leur filiale Irlandaise, qui était déjà en charge de la localisation de tous les autres produits, dans toutes les langues. D’une part, les supports de formation s’étaient complexifiés, d’autre part, la demande du client en matière de gestion des projets n’était pas la même, et en plus ils ne parlaient qu’anglais ! Le volume, quant à lui, augmentait. J’ai mis en place des processus de gestion des projets, recruté du personnel, acheté les outils nécessaires, formé tous les intervenants, et j’ai progressivement lâché la traduction, puis la révision linguistique, puis la révision technique, puis la mise en pages et finalement la gestion des projets.
C’est à peu près à ce moment que j’ai dû abandonner la rédaction des journaux d’entreprise. L’année où j’ai été sélectionné par Microsoft Irlande pour traduire la totalité des supports de formation, Microsoft France me demandait de prendre la rédaction en chef de toutes leurs publications. Il me semblait impossible de mener les deux de front. J’ai tranché : j’abandonnais le rédactionnel pour la traduction. Un principe m’avait guidé au moment de choisir. Je n’étais jamais parvenu à confier des travaux de rédaction à l’extérieur, alors que j’y arrivais avec la traduction. Donc, je pourrais développer la traduction, mais je ne pourrais jamais rédiger plus que ce dont j’étais moi-même capable.
À ce stade, la traduction de chaque support de formation requérait une équipe d’une vingtaine de personnes, freelance et salariées, et nous devions être en mesure de traduire simultanément de trois à six supports. Vers la fin, les supports de formation comportaient deux documents Word en version stagiaire et en version formateur, un CD d’accompagnement qui contenait un site web avec le contenu des documents, une vidéo sous-titrée et doublée, les fichiers nécessaires à la réalisation des exercices, les programmes d’installation semi-automatisée de l’ensemble des produits nécessaires au déroulement de la formation sur tous les ordinateurs de la salle, et les produits eux-mêmes, en version localisée. Pour traduire tout ça, nous avions besoin d’un chef de projets, de plusieurs traducteurs, de réviseurs linguistiques, de réviseurs techniques, d’un ingénieur, d’une salle de tests avec une vingtaine de PC, de maquettistes, et d’un réviseur final pour la relecture des épreuves. En fait, nous avions purement et simplement repris à Microsoft la responsabilité du produit final et nous avions reconstitué sans le savoir des équipes identiques à celles qui c’étaient chargées de la conception et de la rédaction de ces produits. Sauf qu’ils avaient trois à six mois pour créer un support, et nous trois à six semaines pour le traduire. Nous avons d’ailleurs reçu dans nos bureaux l’équipe américaine de conception des supports pour leur expliquer notre méthodologie.
Cette expérience a constitué une formation accélérée d’une richesse inouïe en matière de traduction et de gestion de projets. J’ai appris ce qu’étaient les contrôles qualité, les glossaires (ceux de Microsoft dépassaient couramment les cinquante mille entrées, et il fallait en appliquer plusieurs simultanément), les guides de styles, les rapports hebdomadaires, les post-mortem conférence calls…
Bien sûr, il y a aussi eu des ratés, des erreurs. Un raté : je ne suis pas parvenu à reproduire pour l’Allemand ce que j’avais construit pour les supports de cours Français, et je n’ai pas décroché ce budget. Une erreur : quand j’ai obtenu un contrat de cinq ans pour traduire les supports de formation, une entreprise allemande m’a proposé de rejoindre un groupement en cours de constitution de plusieurs sociétés de traduction existantes qui, en tant que groupement pouvait décrocher plus de travaux. J’ai refusé. Aujourd’hui, ce groupe fait 40 millions d’euros de chiffre d’affaires et il est présent partout dans le monde. C’est sûrement ma plus grande erreur stratégique… Sauf que je ne crois pas être fait pour diriger une société de 100 personnes. Donc ce n’est peut-être pas si négatif que ça.
Cela me permet d’aborder un point crucial, qui est la part de votre vie que vous voulez consacrer au travail. On n’a pas du tout la même vie si l’on travaille 80 heures par semaine sans prendre de vacances, ce qui était mon cas à l’époque, et si l’on travaille 35 heures en prenant huit semaines de congés par an, ce qui est le régime salarié français actuel. Bien sûr, il y a des situations intermédiaires. Mais il faut comprendre que les revenus d’un côté, l’équilibre affectif de l’autre sont directement corrélés à la part de vie que l’on consacre au travail. Il me semble que tous les choix sont respectables à condition qu’il s’agisse d’un choix, et que les conséquences en soient tirées. Si vous rencontrez l’homme ou la femme de votre vie et que vous travaillez 80 heures par semaine, changez de rythme de travail. Ou bien dites à cette personne que vous n’êtes pas disponible. Mais n’essayez pas de concilier un fort investissement dans le travail et un fort investissement affectif. C’est la meilleure manière de rater les deux en faisant beaucoup de dégâts autour de vous et en vous.
Cette parenthèse vient à point nommé pour introduire la suite de l’histoire. À la suite de quelques erreurs stratégiques que je n’aurais pas faites si je n’étais pas complètement épuisé et sur les nerfs, et étant donné le contexte particulier des affaires en 2000/2001, j’ai été obligé de fermer mon entreprise fin 2001. J’avais fait tout ce que je pouvais pour éviter ça à partir de janvier. En juillet je savais qu’il fallait fermer, mais j’ai décidé de tenir coûte que coûte jusqu’à la rentrée en espérant que ça irait mieux à ce moment là car, traditionnellement, le quatrième trimestre était toujours excellent. Nous avons donc tenu jusqu’à la rentrée. Et il y a eu 11 septembre 2001. Plus aucun téléphone n’a plus sonné, plus aucun email n’est arrivé dans nos boîtes à partir du 12. C’était le silence. Impossible de joindre nos clients. Le monde s’était arrêté de tourner. En fin de mois, j’ai compris que je devais me résigner à organiser la liquidation de ma société.
Ça a été une période très dure à tout point de vue. J’ai perdu mon gagne-pain, qui constituait l’essentiel des revenus de ma famille. Je n’avais presque pas d’économies, car j’avais toujours privilégié la société et je me payais bien mais moins que je ne l’aurais pu. Je devais gérer le liquidateur, les salariés, les freelances, qui tous me traitaient comme si j’avais été un truand. Mon couple aussi a explosé à ce moment là, même si notre séparation a attendu encore quelques années. Et j’étais totalement épuisé, vidé de toute énergie, incapable de comprendre ce qu’on me demandait, incapable de me diriger, de prendre des initiatives, et rongé de culpabilité. Il m’a fallu en tout trois années pour m’en remettre, pendant lesquelles j’ai fait différentes choses. J’ai arrêté de fumer, j’ai fait de la musculation deux heures par jour, j’ai suivi une formation de six mois à HEC, j’ai énormément réfléchi sur le sens de la vie, j’ai fait un peu de conseil aux entreprises, j’ai cherché du travail et… J’ai recréé une société de traduction en 2004 !
Là aussi, on peut se demander si je n’aurais pas mieux fait de redémarrer plus vite, de prendre des décisions plus rapidement : après tout, début 2002, je savais déjà que j’allais divorcer, et j’aurais pu me dispenser de perdre trois ans avant de recréer une boîte de traduction. Pourtant, ces années ont été riches en matière d’évolution personnelle et de maturation. Elles ont été nécessaires. Par exemple, j’ai une expérience concrète de la pauvreté, et de la difficulté extrême à élever des enfants dans des conditions matérielles d’exclusion sociale. Cela a aussi été l’occasion de faire le point sur les effets d’une charge de travail trop élevée. Il a aussi fallu gérer des blocages structurels. Par exemple, comme j’avais liquidé ma société, lorsque j’ai voulu, trois ans plus tard, en créer une autre, aucune banque n’a accepté de lui ouvrir un compte. Ça fait partie des difficultés à se relancer.
Pendant ces années de vaches maigres, j’ai effectué quelques missions de ci de là. J’ai notamment traduit deux énormes livres d’informatique à la suite, en utilisant conjointement un logiciel à mémoire de traduction, un logiciel de traduction automatique, mes compétences de traducteur, et celles d’un ami qui relisait et mettait en forme. On a fait ensemble ces deux livres, qui sont aussi bons que les autres livres de cette collection. Mais au lieu d’y passer six mois à temps plein, ça nous a pris moins de trois mois à mi-temps, parce qu’on traduisait 2000 mots à l’heure, et comme la relecture se faisait à la même vitesse, on produisait 1000 mots relus par heure ! C’était incroyablement efficace, mais aussi très fatigant : il m’arrivait couramment de m’endormir sur mon clavier tout en continuant à taper. En tous les cas, je savais désormais qu’on pouvait accroître très fortement la productivité de traduction sans nuire à la qualité, à condition de tenir le choc.
En 2004, au cours d’une conversation téléphonique avec un ancien salarié, je décide de créer une nouvelle entreprise de traduction. Et je fixe les bases : on ne sera pas spécialisés et aucun client ne dépassera les 5% de notre chiffre d’affaires. Cela a des conséquences concrètes : il faut trouver beaucoup de clients, donc faire beaucoup de publicité, s’appuyer sur le web et automatiser au maximum les opérations routinières et administratives de la gestion des projets : création des devis, des bons de commande, etc. À l’époque, il y a peu de sociétés de traduction qui annoncent comme nous sur Google, et nous obtenons vite de nombreux clients. En trois ans, Anyword passe de 320000€ à 750000€ de chiffre d’affaires.
De là émerge un nouveaux projet, qui était en germe dès le début : ouvrir un Anyword dans chaque pays d’Europe en gérant le commercial et les projets de façon centralisée. Autrement dit, le numéro de téléphone de la société espagnole sonnerait en France, où un Espagnol répondrait au téléphone, et les projets seraient traités par les même chefs de projets, qu’ils proviennent de France, d’Espagne ou d’ailleurs. Je collecte des fonds en 2007 pour financer l’ouverture de l’Espagne et de l’Angleterre, et je lance les deux filiales en 2008.
À la fin de l’année, je n’ai pas fait 30000€ de chiffre d’affaires sur ces deux entreprises. C’est donc un échec, d’autant plus lourd que la société française est légèrement en pertes, et que j’ai dépensé la totalité des fonds propres d’Anyword dans cette entreprise. Je m’apercevrai un peu plus tard que j’ai oublié une vérité de La Palisse de notre métier : chaque pays est différent. Contrairement à ce qu’on croit souvent, nous vivons dans un monde bien plus local que global, c’est le fameux « glocal ». Concrètement, en 2008, en Espagne, les entreprises allaient sur le web pour s’informer mais pas pour acheter. Et en Angleterre, elles achetaient sur le web uniquement si elles connaissaient le fournisseur en question. En fait, tout simplement, nous répondons à une demande locale, même si nous exerçons un métier international. Cela signifie que mon idée de centraliser la gestion de projets était peut-être bonne, mais pas celle qui consistait à centraliser les ventes en dehors du pays.
Parallèlement, entre 2004 et 2009, j’ai dépensé énormément d’argent dans le développement d’un outil d’automatisation de la gestion de projets. On a développé quatre fois une application web, mais aucune n’était vraiment satisfaisante : j’avais du mal à faire comprendre ce que je voulais à des développeurs qui ne connaissent pas du tout notre métier. J’ajoute que l’année 2008 était particulièrement difficile pour moi puisque j’ai perdu mon père, qui a été très longtemps en soins palliatifs et soigné ma mère.
Tout ça pour vous dire que j’ai abordé l’année 2009 sur des bases plutôt fragiles. Et là, au mois de janvier, on fait un chiffre d’affaires 40% inférieur à l’année précédente ! En février pareil, et en mars pareil ! A l’époque, Anyword comptait six salariés, trois stagiaires, et moi. J’ai fait les comptes : si je ne changeais rien et que la tendance ne s’améliorait pas, on fermait au mois de juillet. Si je réduisais mes revenus de 30% et que je licenciais tout le monde, on avait une chance de finir l’année sans fermer, malgré de grosses pertes. C’est ce que j’ai fait. Cela a été très difficile pour mon équipe comme pour moi. Je trouvais ça injuste : personne n’avait démérité ou mal fait son travail, mais il n’y avait tout simplement plus assez d’argent dans la caisse.
La même année, j’ai donné une conférence sur la traduction dans une fac, un peu comme aujourd’hui, et j’ai rencontré la femme que j’ai épousée. D’ailleurs, elle est là aujourd’hui aussi. Comme elle est prof de fac en traduction, on peut vraiment dire que j’ai épousé… la traduction.
En 2009, j’ai aussi commencé à donner des cours de gestion de projets en université, à Evry et à Rennes. C’était vraiment une belle expérience parce que ça m’a permis de prendre du recul sur les métiers de la traduction et sur les évolutions techniques. Par exemple, je me demandais si la traduction automatique était intéressante du point de vue de la productivité : OK, le résultat initial est moche, mais est-ce qu’on va plus vite ou pas ? Est-ce que c’est intéressant pour le client, pour l’agence ou pour le traducteur ? C’est de cette question qu’est né le projet de traduction comparée, pendant lequel des étudiants de Master traduisent le même document en utilisant tantôt un outil de traduction automatique, tantôt un outil de reconnaissance vocale et tantôt Trados. Pour moi c’était passionnant de pouvoir faire des tests en grandeur nature, en utilisant les ressources de la fac. A Evry, on s’était lancés Sabrina et moi dans une semaine de simulation du fonctionnement d’une agence de traduction. Les étudiants de M2 avaient des projets à gérer en faisant appel aux M1 pour la traduction. Auparavant, ils devaient créer un manuel qualité, définir les procédures de travail, expliquer leurs attentes aux M1, etc. Pendant la semaine, il fallait gérer les projets, passer les fichiers en relecture, passer les fichiers relus en contrôle qualité, répondre aux demandes termino, et remettre le tout en temps et en heure. Puis, quelques semaines plus tard, les équipes présentaient leur travail en jury. Tout ceci était très riche, très instructif.
A Anyword, j’avais conservé la personne qui était mon bras droit, et on s’est retroussé les manches. En 2010, à deux, on a généré le chiffre d’affaires qu’on faisait en 2008 avec six salariés, et on a remboursé nos pertes. Honnêtement, ça fait réfléchir : si on peut faire à deux le travail de sept personnes, pourquoi recruter ? La question de la productivité est centrale. C’est un peu comme la part du travail dans la vie, il faut faire des choix. En traduction, on a tendance à s’intéresser à la productivité du traducteur : c’est pour l’accroître que l’on crée des outils comme Trados ou Systran. Mais la productivité du chef de projets est fondamentale aussi. C’est le sujet qui m’intéressait le plus depuis le début. Je savais qu’un chef de projets peut aussi bien gérer un seul projet que dix dans la même journée. C’est pour ça que je voulais centraliser la gestion des projets en provenance de plusieurs sociétés, ou que j’avais dépensé tant d’argent dans la création d’une application interne qui était incomplète. Quand j’ai assisté à la présentation de TpBox, j’ai compris que j’avais trouvé l’outil idéal : ce n’est pas compliqué, ce logiciel fait exactement tout ce que je voulais faire exécuter au mien. Mais là où TpBox coûte 15000€, j’avais dépensé pas loin de 300 000€ pour développer une solution qui ne me satisfaisait pas ! J’ai donc immédiatement jeté mon ancien système aux orties et acheté TpBox. La productivité des chefs de projets a fait un bond.
En 2012, j’ai opéré un vrai travail de recentrement dans ma vie. À l’époque, je gérais Anyword, je donnais des cours en fac, je suivais une formation de psychothérapeute qui me prenait à peu près 60 jours par an, et je faisais des trajets très importants puisque mon bureau était à Paris et la fac à Rennes alors que j’habite près de Rambouillet. Au final, je passais plus de temps dans les transports qu’au travail. En plus de ça, j’ai pas mal de travaux d’amélioration à faire à la maison, et quatre enfants à élever. J’ai décidé de déplacer mon entreprise à Rambouillet et d’arrêter l’enseignement en fac. Je me concentre désormais sur ma famille, mon entreprise, et ma formation de psychothérapeute. Comme par hasard, le chiffre d’affaires d’Anyword a augmenté en 2012 et en 2013.
Comme je le souhaitais au moment de sa création, Anyword est une agence de traduction généraliste. Nous traduisons des documents de toute nature : par exemple, nous avons traduit le site web de la France en cinq langues, nous traduisons souvent des numéros hors série pour les éditions Beaux Arts, nous traduisons les plans d’accès du musée du Louvre, nous sommes chargés de traduire certains rapports de l’OCDE sur les politiques éducatives dans les pays développés, nous sommes en charge de la localisation de l’immense site web de Futura Sciences, nous avons récemment traduit plusieurs séries de romans électroniques avec des intrigues policières, fantastiques, sentimentales, érotiques et même carrément pornographiques. Bref, les projets sont vraiment très diversifiés, tout comme les langues de travail.
Voilà, c’était la première partie de mon exposé, centrée sur mon expérience professionnelle. Je voudrais maintenant partager avec vous quelques réflexions d’ordre général, quelques leçons de vie. Ce sera plus court.
D’abord, d’où vient le contentement que l’on éprouve à exercer sa profession, à faire son travail ? Dans mon cas, j’éprouve la sensation très ancrée d’être utile aux autres : traduire est utile, partager son expérience, comme je le fais aujourd’hui avec vous, est utile, rédiger un article ou un livre technique, enseigner, être psychothérapeute, toutes ces activités sont utiles. Par exemple, j’ai toujours éprouvé un plaisir infini à lire des ouvrages de littérature, à écouter de la musique ou à danser, mais je n’aurais pas pu en faire mon métier car ces activités, pour moi, doivent rester récréatives, elles ne sont pas utiles, on peut s’en passer.
C’est sans doute pour cette raison que le traducteur, d’après moi, doit vraiment s’attacher à devenir un expert du domaine dans lequel il traduit. Je l’ai dit plus tôt, je suis convaincu qu’il faut savoir de quoi l’on parle. Du moment où il accepte un texte source pour le restituer dans une langue cible, le traducteur exerce une responsabilité aussi importante que celle de l’auteur au sujet de l’exactitude du contenu du document final. C’est pourquoi le traducteur doit avant tout savoir excellemment rédiger dans sa langue maternelle. Il ne s’agit absolument pas de se laisser porter par le texte source en le reproduisant dans la langue cible, mais au contraire de s’approprier le sens puis de le restituer avec la structure de phrase et le vocabulaire qui conviennent le mieux, qui sont le plus pertinents, dans la langue cible, sans se sentir contraint en aucune manière par la langue source. Autrement dit, le traducteur est auteur de son texte.
Je reviens au choix d’une activité professionnelle. Pour moi, le principe suprême, celui que je répète à mes quatre enfants au moins une fois par semaine, c’est de faire ce qu’on aime. Il faut faire ce qu’on aime. Et il faut aimer ce qu’on fait. Il ne faut jamais transiger avec ça. Décideriez-vous de vivre avec quelqu’un que vous n’aimez pas ? Épouseriez-vous quelqu’un que vous n’aimez pas ? Non, j’imagine. Pour le travail, c’est pareil. Même si vous changerez sans doute de profession plusieurs fois dans votre vie, chaque métier vous occupera au moins huit heures par jour. Si vous n’aimez pas ça, ce sera une torture. Pire, vous ne le ferez pas bien, parce que vous ne parviendrez pas à vous concentrer sur ce que vous faites, vous ne pourrez pas vous impliquer dans votre travail. Si vous n’aimez pas écrire, si vous n’aimez pas traduire, c’est OK : faites autre chose, changez de fac, formez-vous à un autre métier. Et si le Master vous a servi à prendre conscience que vous n’aimez ni traduire ni gérer des projets, c’est super ! Vous avez gagné un temps fou, puisque vous ne vous engagerez pas dans une profession qui n’est pas faite pour vous. Mais surtout, ne faites pas l’erreur d’essayer quand même si vous savez que ça vous déplait, vous vous mettriez dans une situation inextricable. De toutes les façons, dans la vie, on ne perd jamais son temps. On s’aperçoit plus tard que telle ou telle compétence dont on ne savait que faire nous est extrêmement utile tout à coup, nous donne la valeur que d’autres n’ont pas parce que leur parcours est plus rectiligne, plus prévisible. Vous finirez toujours par exploiter les enseignements que vous avez reçus.
Au sujet de la formation, je voudrais aussi vous dire une chose essentielle : il n’y a pas dans la vie un temps réservé à la formation et un temps réservé au travail. La formation et le travail, c’est toute sa vie d’adulte. J’ai débuté sans diplôme, j’avais seulement fait trois ans de prépa et glandé deux ans en fac, mais j’ai fait une école de journalisme pendant deux ans, j’ai obtenu un Executive MBA, et aujourd’hui je suis en troisième année d’une formation de psy qui dure cinq ans. J’ai un ami chef d’entreprise qui est sorti de HEC, il a monté une société, puis une seconde. Puis il a décidé qu’il avait besoin d’acquérir des compétences plus fortes en comptabilité, alors il a passé le diplôme de comptable. Puis il a monté une troisième entreprise et il l’a revendue tout de suite. Puis il a décidé de suivre les cours de l’IHEDN – l’Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale – parce que les thématiques de géostratégie l’intéressent. Puis il a revendu la première entreprise, il en a monté une quatrième, et la dernière fois que je l’ai rencontré, il venait de revendre sa deuxième entreprise et il cherchait un manager pour la quatrième parce qu’il avait l’intention de s’inscrire à une formation d’ingénieur. Et il n’a que 35 ans. La formation, la vie professionnelle, la vie affective et familiale, tout ça, c’est pareil, c’est juste de la vie.
Quand vous arrêtez de cloisonner la vie en petits morceaux, quand vous acceptez la fluidité de la vie, quand vous voyez la vie comme une danse ou comme une rivière, alors vous vous retrouvez à faire beaucoup plus de choses, à avoir une vie beaucoup plus riche. Et comme votre vie est riche, elle fourmille soudain d’opportunités. Et si jamais vous avez un accident professionnel, ce n’est plus très grave car plein d’autres aspects fonctionnent très bien, et vous vous appuyez sur ces aspects là pour faire naître les opportunités qui vous aideront à rebondir. Un aspect de votre vie vous aide à avancer dans un autre aspect. Et quand vous avez suffisamment avancé, vous pouvez très bien décider de lâcher le premier aspect. Et toujours en ne faisant que ce que vous aimez, et en vous exerçant à aimer ce que vous faites.
Dans une vie comme ça, vous devenez acteur, vous quittez le rôle du témoin. Il ne vous arrivera plus des choses, vous ferez arriver des choses. Ça n’a plus rien à voir. La vraie raison pour laquelle j’ai lâché la presse et, plus tard, l’enseignement, c’est que je ne voulais pas avoir un rôle de témoin. Je suis aujourd’hui dans ce monde et je veux faire des choses avec ce monde : bricoler, avoir des enfants, créer des entreprises, traduire des textes, partir en voyage, publier des livres, faire des photos, danser, aimer ma femme, agir ! Je veux que ma vie m’appartienne, et la seule solution c’est d’être aux commandes. Une fois que vous savez où vous voulez aller, tout le reste est facile, vous mettez en place les conditions, vous vous dirigez vers votre destination, et le reste coule de source car, c’est extraordinaire, à ce moment là, la vie se met à vous aider en vous présentant les opportunités, en plaçant sur votre chemin les bonnes personnes, en faisant naître dans votre tête les bonnes idées.
Une belle leçon de vie pour les jeunes traducteurs, merci pour le partage!
Bravo ! C’est vrai que le métier de traducteur n’est pas de tout repos.