Trouvé dans l’Express du 29 mai 2008, cet article.
Le portugais prend l’accent de Rio
A Lisbonne, les députés ont voté une réforme pour unifier la langue du monde lusophone. Au brésilien, la part qui lui revient: géante.
De nombreux Portugais l’ont en travers de la gorge: le Parlement a adopté, le 16 mai, une loi d’uniformisation de leur langue. Objectif: harmoniser l’idiome des 230 millions de locuteurs des huit pays lusophones – Brésil, Angola, Mozambique, Cap-Vert, Guinée-Bissau, Timor-Oriental, Sao Tomé et Principe, et l’ancienne puissance coloniale portugaise. Quelques 2 000 mots sur 110 000 sont concernés. Problème: ce sont, pour l’essentiel, les règles du Brésil -ancienne colonie, indépendante depuis 1822- qui vont s’imposer à tous. Le projet prévoit en particulier la suppression des consonnes muettes et de nouvelles règles sur les tirets et les accents. Ainsi humido (humide) deviendra umido, optimo (excellent) s’écrira otimo et auto-estrada (autoroute) sera réduit à un seul mot: autoestrada. Selon ses partisans, la réforme présente l’avantage d’améliorer les recherches sur le Web, d’homogénéiser les textes juridiques et les contrats internationaux, mais aussi de faciliter la reconnaissance du portugais comme langue officielle aux Nations unies.
Si le Parti socialiste, au pouvoir, et le Parti social-démocrate, premier mouvement de l’opposition, ont voté en faveur du projet, certains écrivains y sont plutôt opposés. Une pétition a été signée par plus de 33 000 personnes. Tandis que les Brésiliens célèbrent le bicentenaire de l’arrivée de la cour portugiase (en fuite) à Rio de Janeiro, les modifications apparaissent, aux yeux de certains, comme autant d’atteintes à la puissance de l’ancien empire: l’uniformisation symbolise la capitulation économique et culturelle de Lisbonne face au géant brésilien.
Il est vrai que le match est perdu d’avance. Le Brésil compte 190 millions de lusophones, contre 10,6 millions seulement au Portugal, soit moins de 5% des lusophones dans le monde.
Virgile Makarius